Akaya no Rin - Instants d'une vie

Rin. Froid, glacial.
Elle ne saurait dire si son nom était un présage de sa personnalité ou s’il lui a dicté son comportement. Après tout, quelle différence ?

Akaya. La Flèche Rouge.
Un surnom qu’elle n’a pas volé, qu’elle doit à son allié le plus fidèle. Le seul nom qu’il lui semblait naturel de donner alors qu’elle laissait derrière elle cinq années de sa vie.

“Et maintenant ?”

Sous la lune rouge, elle croit entendre un appel. Elle sait l’horreur qui va se jouer sous ses yeux ce soir. Ce ne sera pas la première fois qu’elle y assistera. Telle est la nature humaine, peu importe sa race.
Elle lève les yeux au ciel. Elle hésite un instant. Mais le devoir passe avant tout. Elle ne peut répondre à l’appel, elle n’est qu’un pion sur le plateau, un soldat sur la plaine, juste assez utile pour être sacrifiée.

Rin aan Hagane.
Un nouveau nom, une nouvelle allégeance. Les gagnants imposent leur histoire. Les conquérants imposent leurs lois. Qui est-elle pour s’y opposer ? Quel intérêt de s’attacher à un nom plutôt qu’à un autre ? Lutter contre le changement est vain. Il faut savoir laisser le passé derrière soi pour aller de l’avant.
Ce nom est une aussi bonne définition que les précédents. Soldat Hagane au rapport.

“Et maintenant ?”

Son premier uniforme. Troquer son arc contre un fusil. Rigueur militaire et entraînement intensif. Rien qui ne la change tellement, excepté le décor. Comme toujours, elle s’efforce d’être forte, murée derrière sa froideur apparente. Il faut respecter le nom qui lui a été donné, même si à partir d’aujourd’hui elle n’en porte qu’une pâle copie. Peu importe que l’homme en face d’elle ait été hier la main qui tua son protecteur, elle doit avancer.

Lyn.
Il semble que ce soit l’orthographe la plus naturelle en éorzéen pour retranscrire son nom. C’est ce qu’il avait affirmé en l’inscrivant dans ses registres. Elle n’a jamais osé le contredire. Elle n’a plus jamais signé avec d’autres lettres.

A peine quelques pas dans la neige avant qu’elle ne rebrousse chemin.

Elle a fait demi-tour pour récupérer cette relique, incapable de l’abandonner dans le froid du Coerthas. Elle est l’incarnation du froid après tout, quelle différence qu’elle la porte à son doigt ?
Elle est faible, elle le sait. Il était sa force, et elle ne veut pas balayer son passé une fois de plus.

Tant pis si son obstination est ridicule.
Tant pis si elle n’est plus capable d’aller de l’avant.

Ils vont payer. Tous.

“Et maintenant ?”

L’heure de l’entraînement est terminée. Protocole, manoeuvres, signalétique… Renforcement physique, mécanique, maniement des armes... C’est évidemment sur le champ de tir qu’elle s’est particulièrement distinguée.
Alignée avec les autres soldats dans son uniforme impeccable, elle attends l’arrivée de son nouveau commandant. L’air ambiant est saturé d’un mélange d'exaltation, d’anticipation, de nervosité, voire même de crainte. Son indifférence ne trouve que peu d’écho parmi ses nouveaux frères d’armes.

Puis il entre en scène dans un silence de plomb qui n’est perturbé que par les cliquetis de son armure. Et dans un mouvement parfaitement uniforme, l’unité des nouveaux affectés salue comme un seul homme le Rapace argenté.

Certains évènements d’une vie ont l’effet dévastateur d’un boulet de canon.

La haine n’avait jamais fait partie des émotions qu’elle ressentait. Elle avait connu l’humiliation. Elle avait porté le deuil. Elle avait subi les conséquences de la peur et de l’ignorance.
Mais elle n’avait jamais cédé elle-même à cette peur de l’autre, aux incompréhensions. Elle n’avait jamais envié ses bourreaux, tout comme elle ne les avait jamais rendu coupable de ses frustrations…

Jusqu’à ce qu’il tombe sous le coup de l’ennemi. L’ennemi, qui n’est autre que l’un de ceux qu’il servait. L’ennemi, qui avait si longtemps été une forme sans visage, prit à cet instant une identité bien précise.

Le désespoir et la vengeance ont supplanté la logique pour donner naissance à la haine.

La patience lui avait été enseigné dès son plus jeune âge. Un serviteur attendait son maître. Un chasseur attendait son gibier. Un soldat attendait ses ordres.

L’attente n’est pas un concept qui lui échappe ou qui la frustre. Reprendre une vie “normale”, étudier son environnement, créer des opportunités, patiemment, jusqu’à ce que l’heure de sa vengeance arrive.

L’ennui a toujours été son pire ennemi, sa plus grande peur. Pourtant elle le connaît si peu. Mais elle le redoute plus que l’incompréhension, plus que le chaos, plus que les esprits qui hantent le sien. Parents, mentor, frères d’armes, ennemis, anciens voisins ou parfaits inconnus… Après tout, ils sont ses compagnons les plus fidèles, elle n’a jamais eu besoin de les craindre.

L’ennui, lui, est une éternelle menace qui revient la terroriser.